Le Rwanda a atteint un jalon en matière d’électrification qui semblait inimaginable il y a à peine 25 ans. Si les progrès se poursuivent au rythme actuel, le pays pourrait atteindre un accès universel complet d’ici 2029 — ou au plus tard l’année suivante.
Cette réalisation a été soulignée lors d’une réunion du Cabinet présidée par le président Paul Kagame lundi, selon les résolutions publiées par la suite.
Cependant, au-delà des célébrations, une question pressante subsiste : l’électricité reste chère pour les ménages, les industries et les entreprises, soulevant des interrogations sur une éventuelle réduction ou une nouvelle augmentation des tarifs à l’approche de la couverture de 100 %.
De la pénurie à l’accès national
Au cours du dernier quart de siècle, l’accès à l’électricité a été multiplié par plus de 42, connectant les communautés rurales et urbaines. Les foyers, les écoles, les hôpitaux et les entreprises dépendent désormais d’un approvisionnement stable en électricité, réalisant ainsi une partie de la vision du gouvernement qui fait de l’énergie un moteur de croissance inclusive. Mais le prochain défi est l’accessibilité financière.
Les tarifs sous les projecteurs
Les acteurs industriels soutiennent depuis longtemps que le coût de l’électricité nuit à leur compétitivité. Actuellement, les petites industries utilisant moins de 220 000 kWh par an paient 134 Rwf par kWh, les industries moyennes (220 000 à 660 000 kWh) paient 103 Rwf, tandis que les grandes industries consommant plus de 660 000 kWh paient 94 Rwf.
En comparaison, les usines en Ouganda paient jusqu’à 68 Rwf par kWh pendant les heures creuses, tandis que les grandes industries kényanes sont facturées environ 87 Rwf en heures creuses. Pour les fabricants rwandais, cela se traduit par des marges plus minces, des coûts d’exportation plus élevés et une attractivité réduite pour les investisseurs.
Les ménages ressentent également la pression. Les familles consommant entre 15 et 50 kWh paient 212 Rwf par kWh, tandis que celles utilisant plus de 50 kWh paient 249 Rwf. Même avec un tarif social de 89 Rwf pour la tranche de consommation la plus basse, de nombreux ménages ont encore du mal à joindre les deux bouts face à la hausse des dépenses quotidiennes.
Les prestataires de services tels que les hôtels, les diffuseurs, les tours de télécommunication et les centres de données ont également été confrontés à des ajustements tarifaires périodiques, avec des résultats mitigés selon les secteurs.
L’équilibre délicat du gouvernement
En réponse, le Rwanda Development Board (RDB), le ministère des Infrastructures et la Rwanda Utilities Regulatory Authority (RURA) ont récemment tenu une consultation de haut niveau avec les dirigeants du secteur privé. La participation du ministre des Finances, Yusuf Murangwa, a souligné l’engagement du gouvernement à examiner la structure tarifaire.
Les révisions tarifaires ne sont pas nouvelles. En janvier 2020, la RURA avait ajusté les tarifs à la hausse pour les utilisateurs résidentiels et industriels, mais les avait abaissés pour les installations prioritaires comme les hôpitaux et les centres de données. À l’époque, des subventions gouvernementales d’une valeur de 10,5 milliards de Rwf avaient été accordées pour amortir ces hausses.
Alors que le Rwanda approche de l’accès universel, le défi consiste maintenant à équilibrer les investissements continus dans la production, le transport et la distribution avec le besoin urgent d’alléger la charge pour les consommateurs. Les options à l’étude incluent des tarifs basés sur l’heure de consommation pour les industries, des incitations pour les grands consommateurs, et des ajustements dans les catégories domestiques et commerciales pour trouver un équilibre plus juste.
Le Rwanda Energy Group (REG) a noté que le coût de production de l’électricité s’élève en moyenne à 186 Rwf par kWh, ce qui montre la marge étroite entre la durabilité opérationnelle et l’accessibilité financière pour le consommateur.
Un nouveau cadre tarifaire devrait être dévoilé dans les prochains mois. Qu’il soit axé sur le soutien à la croissance industrielle, l’allègement des dépenses des ménages ou la recherche d’un terrain d’entente, cela reste à voir. Ce qui est clair, c’est que l’histoire énergétique du Rwanda sera de plus en plus définie non seulement par l’accès, mais aussi par l’accessibilité financière, qui est cruciale pour soutenir la croissance, attirer les investissements et garantir que les bénéfices de l’accès universel à l’électricité profitent à tous.


